Témoignages
sur la bataille d'Orthez
Mémoire du Major Harry Ross-Lewin
Capitaine du 1
er bataillon du 32
ème d'infanterie
Brigade Lambert de la 6
ème Division Clinton à Orthez
« Après avoir
dirigé Sir John Hope pour investir Bayonne et amener Soult
derrière le Gave de Pau, Wellington était maintenant
résolu d'attaquer ce dernier à Orthez. Le 26, la 3ème Division et la cavalerie passèrent à gué le Gave de Pau au-dessous d'Orthez, et la 4ème et 7ème
Division à un point encore plus loin en dessous de la
rivière. Il était prévu que le corps de Sir
Rowland Hill et la 6ème Division avec la Division
Légère forcent le pont d'Orthez; mais il fut,
après réflexion, recommandé de ne pas faire de
tentative.
Au matin du 27, j'ai vu Lord Wellington pour la première fois
durant cette campagne; il avait été reconnaître
l'ennemi, et, assis sur l'herbe avec son célèbre manteau
court et blanc, il prit quelques morceaux de papier et commença
à écrire; mais la bruine qui tombait l'incommoder. Un
autre officier et moi-même, apercevant la gène dont
il souffrait, nous nous procurèrent un parapluie, que mon
compagnon fixa près de lui de façon à abriter le
papier, et se retira, sa seigneurie le remercia pour cette attention.
Comme Sir Rowland Hill a été vu traversant la
rivière au-dessus d'Orthez peu de temps après, nous en
avons déduit que cet ordre a été écrit pour
lui.
La 6ème Division et la Division Légère
s'étaient déjà dirigées en dessous du point
où la 3ème Division était passée
à gué, et traversèrent sur un pont de bateau
qui avait été fixé pour les canons. Le (Gave de)
Pau était une rivière très difficile à
franchir à pied, car les gués étaient profonds, et
le courant coulait avec une force considérable.
Soult occupait un ensemble de collines, qui formait une courbe concave
vis-à-vis du front, sa gauche était restée
à Orthez et sa droite sur une pente raide au-devant du village
de St. Boès. Il avait aussi une forte réserve
postée sur les hauteurs qui commandaient la route par laquelle
il devait retraiter, s'il était délogé de sa forte
et confortable position.
Le Maréchal Beresford, avec la 4ème et 7ème
Divisions et une brigade de cavalerie, commença la bataille en
attaquant la droite de l'ennemi; mais après avoir emporté
le village, il échoua dans sa tentative de déloger
l'ennemi des hauteurs, à cause de la nature
désavantageuse du terrain pour les forces assaillantes et du feu
considérable de l'artillerie et de la mousqueterie. Une fois
cette attaque réussie, Sir Thomas Picton, avec la 3ème et 6ème
Divisions et une brigade de cavalerie, soutenues par la Division
Légère devaient s'avancer sur le centre et la gauche de
l'ennemi; mais l'attaque du centre ne pouvait être lancée
tant que la droite de l'ennemi restait ferme. Lorsque nous avons
atteint le sommet du haut terrain en face des positions de l'ennemi;
plusieurs canons ouvrèrent le feu sur nous, et, un boulet
ricocha devant mon régiment et passa à travers. Je me
retournai pour voir sa course à travers le large champ
derrière nous. Il fila vers un point où un soldat
isolé était en train de chercher un sac à dos et
le frappa en le laissant instantanément sans vie.
Le plan de l'attaque fut rapidement changé; la 7ème
Division du général Walker et une brigade de la Division
Légère du colonel Barnard furent amenées vers une
hauteur sur laquelle la droite de l'ennemi était
positionnée, tout en visant un point à proximité de
son centre; et la 3ème et la 6ème
Divisions avancèrent, en même temps, sous les ordres
respectifs de Sir Thomas Picton et Henry Clinton. Un feu intense fut
ouvert à partir des positions vers lesquelles les troupes
s'approchaient, mais l'ennemi retraita soudainement; Sir Rowland Hill
avait passé la rivière et marchait vers la route
principale de Saint-Sever pour couper, selon les instructions, leur
retraite. Ce mouvement fut accompli avec un rapidité suffisante
ce qui causa la retraite de l'armée, qui se replia tout d'abord
en bon ordre, pour ensuite rompre les rangs et courir de peur
d'être interceptée. Il s'est dit que leurs pertes avaient
dépassé les 6000 tués, blessés et
prisonniers; la proportion de prisonniers faits durant la poursuite fut
très grande. Leurs pertes en tués et blessés
devaient être moindre que les nôtres, car ils avaient
largement profité de l'avantage du terrain, et par leur soudaine
retraite n'avaient pas trop souffert de l'approche de l'infanterie.
L'action clé de la bataille avait été soutenue par
la 3ème et la 4ème Divisions. Un soldat du 88ème, un des régiments de la 3ème
division, en observant, sur un uniforme d'un soldat français
mort, le même numéro que lui, s'exclama avec
étonnement : "Le soleil m'a brûlé, mais la France a
les Connaught Rangers (nom du 88ème) aussi !".
Ma division n'alla pas plus loin qu'Orthez cette nuit-là. Le
lendemain nous continuâmes la poursuite à
Saint-Sever. »