Bataille d'Orthez - 27 février 1814

 

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Témoignages sur la bataille d'Orthez

 

Captain William Lawrence
(Officier grenadier de la 4ème Division Cole)


 « Après être resté inactifs pour la plupart pendant le reste de l’année 1813 et jusqu’en février de l’année suivante, nous dirigeâmes de nouveau une attaque contre les Français qui étaient postés près d’un village dont je ne me rappelle plus le nom, et les repoussâmes derrière une rivière. Là ils prirent de nouveau position, mais ils ne la gardèrent que deux ou trois jours, car ils furent encore obligés de reculer et de nous laisser la voie libre vers Orthez.
Ainsi, après environ six de lutte acharnée nous avions délivré l’Espagne et le Portugal et porté la guerre sur le territoire ennemi. Le Portugal et l’Espagne avaient eu longtemps à supporter la terrible dévastation, mais maintenant la face des choses avait changé et c’étaient les habitants du Midi de la France qui allaient être soumis pour un certain temps à tous les désagréments de la guerre. Ils s’étaient peu attendus à ce revirement de fortune. Napoléon avait même eu un moment l’ambitieuse idée de nous chasser de la Péninsule, et maintenant il nous voyait serrant de près son armée dans son propre pays ; il avait cru un moment subjuguer l’Europe, et, tandis qu’il nourrissait cette erreur, il avait été subjugué lui-même.
Et cela nous causait, en vérité, grand plaisir, car nous avions longtemps soupiré après ce résultant, ayant de l’Espagne plein le dos. Quant à ces localités que nous avions rendues si célèbres, nous ne pouvions nous empêcher, en nous en souvenant, de songer aussi aux camarades qui reposaient là dans leurs froides tombes. Depuis que notre régiment avait quitté l’Irlande pour cette expédition comptant alors neuf cents hommes, cinq mille cent hommes encore nous avaient rejoints venant de notre dépôt, et pourtant, au moment de notre marche sur Orthez, nous n’étions pas plus de sept cents. Je ne dis pas que nous avions perdu tous ces gens dans les combats, mais le plus grand nombre, cependant, avaient été tués ou blessés grièvement ; beaucoup, il est vrai, furent emportés par la maladie, d’autres périrent victimes de leur ivrognerie ou de leur gloutonnerie, jointes à l’inclémence du climat. Il ne faut pas non plus oublier ceux qui, comme je l’ai dit, restèrent volontairement en arrière, car il doit y en avoir beaucoup de cette espèce pendant toute la campagne.
Lors Wellington avait vu avec indignation les nombreux excès commis par l’ennemi au préjudice des habitants portugais et espagnols pendant la dernière campagne, et il avait résolu, maintenant qu’il avait porté la guerre en France, d’offrir un meilleur exemple à la postérité ; il lança donc une proclamation défendant le pillage, sous peine de mort, ce qui est fort à l’honneur de notre noble général.
Nous arrivâmes en France à une mauvaise saison de l’année pour voir ses beautés naturelles ; mais, autant que j’en pus juger alors, elle abondait en arbres élégants, aux fruits délicats, tels que les vignes, orangers, grenadiers, figuiers, oliviers, productions assez semblables à celles de l’Espagne.
En approchant Orthez, nous vîmes que les Français avaient pris une très forte position sur une rangée de belles collines s’étendant d’Orthez à Saint-Boes, et nous reçûmes l’ordre, conjointement avec la septième division, de traverser une rivière et d’attaquer la seconde place qui avait derrière elle une hauteur occupée par l’ennemi où il dominait la ville. La rivière nous retarda une peu, car, comme il n’y avait pas de pont, il fallut se servir de pontons ; mais, cela fait, nos divisions s’élancèrent en avant, et , avec une brigade de cavalerie et d’artillerie pour nous appuyer, nous formâmes notre ligne et marchâmes sur Saint-Boes. Le village fut vigoureusement défendu par l’ennemi qui, à notre approche, ouvrit sur nous un feu nourri et pendant longtemps garda ses positions, défendant opiniâtrement le poste qu’on lui avait confié. Mais il avait affaire à forte partie : la quatrième division, sous le général Cole, fondit sur les Français comme des lions et les força enfin à vider la place et à se réfugier sur les hauteurs.
Nous les suivîmes, mais nous crûmes alors que longtemps ils pourraient défier nos efforts, ayant sur nous ce formidable avantage du terrain. Nous montâmes à l’assaut de ces hauteurs, mais nous fûmes constamment repoussés par le feu terrible de l’artillerie, la position n’étant accessible qu’en quelques endroits et par des sentiers si étroits que quelques hommes seulement pouvaient y marcher de front. Mais malgré ces désavantages, malgré le canon faisant rage dans leurs rangs, nos hommes ayant reçu des renforts importants, enlevèrent les hauteurs, et, qui plus est, le gros de l’armée, ayant engagé l’action sur l’aile droite, réussit à enfoncer l’ennemi et à faire sur lui un grand nombre de prisonniers, tandis que la cavalerie le poursuivait vivement ; quelques pièce de canon furent aussi prises dans cet engagement.
L’ennemi recula alors sur le fleuve Adour ; l’armée alliée le suivit et engagea avec lui des escarmouches en divers points de la ligne jusqu’à ce qu’enfin les François prirent de nouveau position sur les hauteurs, près de Tarbes, sur le fleuve déjà nommé; mais ils n’y restèrent plus longtemps, car ils furent de nouveau chassés par des alliés et durent faire retraite sur Saint-Gaudens.»

Sources : "Mémoire d'un grenadier anglais (1791-1867)"- Le capitaine William Lawrence - Paris - Plon - 1897