Bataille d'Orthez - 27 février 1814 | |
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Les objectifs des deux belligérants Désormais les plans du Maréchal Wellington sont de se rendre rapidement maître d'Orthez, ville d'où part une route stratégique vers l'intérieur du pays (et notamment Paris) et de tourner si possible l'armée française. Cette situation peut également l'amener, à terme, à passer l'Adour afin d'ouvrir une voie de communication directe avec Bayonne et à jeter les troupes du Maréchal Soult dans les Landes, pays où les subsistances sont très rares. Les troupes espagnoles de Morillo sont envoyées vers Navarrenx enfin de faire le siège de cette place forte; siège qui durera du 25 février au 30 avril 1814. De son côté, le Duc de Dalmatie espère éloigner les troupes de alliées des routes menant à la capitale et se joindre au corps du Maréchal Suchet venant de Catalogne afin de s'opposer à l'avancée de son adversaire avec des forces plus conséquente.
Mais Napoléon, impatient des piètres résultats obtenus par les troupes de son Lieutenant-Général, adresse au Maréchal Soult un billet lui ordonnant d'engager au plus tôt l'armée alliée "… Faites réitérer, par le ministre de la Guerre, l'ordre au duc de Dalmatie de ne pas abandonner le terrain sans livrer bataille…" (cet ordre est cependant reçu après la bataille d'Orthez). Les manoeuvres préliminairesLes jours précédents l'affrontement général, l'Armée des Pyrénées, pressée par les alliés, se replie, en détruisant tous les ponts, du gave d'Oloron vers celui de Pau afin de s'établir sur un terrain plus avantageux. Le Maréchal Soult tend alors un cordon de cavalerie pour garder la zone du gave de Pau à l'Adour (soit environ 80 km) et concentre son armée près d'Orthez. Le 25 février les troupes impériales des généraux Taupin, Rouget, Foy et Darmagnac sont réunies à l'ouest d'Orthez (Castetarbe) près du pont détruit de Bérenx. La division Vilatte est encore sur la rive gauche du gave dans les faubourgs d'Orthez. Mais elle passe sur l'autre rive le 26 devant l'avancée des troupes de corps anglo-protugais du général Hill. La faiblesse de la cavalerie française et le manque de renseignement sur les mouvements des troupes ennemies sont restés un handicap majeur durant toute cette campagne pour anticiper les mouvements de l'adversaire. Ainsi la partie du gave en aval d'Orthez n'était gardée que par le seul 15ème Chasseurs, dont les éléments les plus avancés devaient se retirer de Peyrehorade deux heures le départ du corps de Drouet D'Erlon et relever tous les postes placés le long du Gave. De même, la présence de la cavalerie française sur la rive droite du gave de Pau ne pouvait lui permettre d'anticiper les intentions de l'ennemi resté, quant à lui, sur la rive gauche. Ces dispositions sont singulièrement surprenantes quand on relie les intentions de Soult aux abords d'Orthez (mais intentions issues d'un récit postérieur à la bataille...) "J'étais résolu de marcher à la rencontre du premier corps ennemi qui s'engageait et de l'attaquer au moment du passage." (rapport du 6 mars 1814). Dès le 25 février, les troupes anglaises du général Picton se trouvent à proximité du pont de Bérenx précédemment détruit par les Français. Elles cherchent pendant plusieurs heures un gué. Pendant ce temps, le corps de Beresford (Cole, Walker, Vivian) est à Peyrehorade. L'avance de l'armée alliée vers Orthez
Dans la nuit du 25 au 26 février la brigade de cavalerie anglaise commandée par Vivian passe le gave de Pau au gué de Cauneille. Le 26, le Maréchal Beresford avec les divisions Coles et Walker passent à leur tour le gave à Peyrehorade. Beresford prend soin de laisser un régiment dans ce village et s'avancent vers Orthez par la grande route. Un détachement vers Habas afin de s'assurer de la route entre Dax et Orthez. Le 15ème Chasseurs français, en observation dans le secteur, recule en direction de Puyoo et Ramous devant l'avance des troupes anglaises et notamment du 18ème Hussards (commandé par Vivian en personne). A la sortie de Ramous, les Français font volte-face grâce la présence d'un bataillon d'infanterie en ce point, mais les renforts anglais et la vision des mouvements alliés dissuadent le colonel commandant le régiment de cavalerie de poursuivre sa retraite vers Orthez. Cette opération permet aussi à l'avant-garde de Bereford de sécuriser le passage pour la traversée de la division Picton dont les premiers éléments de cavalerie ont traversé le gué de Bérenx. Les troupes anglaises peuvent ainsi s'installer à Baigts à 4km à l'ouest d'Orthez. Le colonel Faverot commandant le 15ème Chasseurs va aussitôt rendre compte au Maréchal de ses manoeuvres. Cet évènement va permettre au Maréchal Soult de trouver une ombre d'excuse dans sa défaite du lendemain. Dans son rapport du 26 au soir, Soult ne s'étend guère sur cet évènement. Mais dans son rapport sur la bataille d'Orthez , du 6 mars 1814, le ton change et il accuse son colonel de négligence et d'avoir fait perdre une occasion rare à l'armée française de compromettre des détachements ennemis en le prévenant si tard (et en personne) du passage du gave par les Anglais. Le général Drouet D'Erlon détaille dans ses mémoires la missions qu'il avait attribué lui-même au colonel Faverot qui dépendait alors de son autorité : "... avant de quitter Peyrehorade, j'ordonnai au colonel Favrault (ndlr: Faverot), commandant le 15ème chasseurs, d'envoyer sur la route que j'avais à parcourir, des détachements pour observer le Gave de Pau, afin d'être prévenu si l'ennemi passait la rivière pour m'attaquer pendant la marche de flanc que j'allais faire. J'avais, en même temps, ordonné au colonel Favrault de ne partir de Peyrehorade, que deux heures après le départ de mon corps d'armée, pour suivre son mouvement et relever, pendant sa marche, tous les postes établis sur cette rivière.". Ce témoignage permet de nous éclairer sur la véritable mission du 15ème chasseurs et de l'interprétation un peu hasardeuse faite par le Maréchal Soult.
Plus tard dans la journée du 26, vers 4 heures, la cavalerie de Somerset et la division Picton passent le gave au gué de Bérenx en refoulant un bataillon de la 1èredivision du général Foy et vont rejoindre le corps de Beresford. Il semble cependant que le bataillon défendant le gué ne se soit déjà mis en retraite lors du passage des cavaliers du 15ème Chasseurs (rapport de Soult du 26 ). La nuit est alors mise à contribution par les Anglais pour construire un pont de bateaux sur le gué de Bérenx afin d'écouler le reste des troupes le lendemain au matin. Le général Foy dont la division est placée à l'ouest d'Orthez (au lieu dit "Point du jour") voit le spectacle donné par les colonnes ennemies passant le gave depuis son quartier-général de Castaing à Castetarbe. Le passage vers Orthez par la grande route de Bayonne est alors ouvert aux troupes alliées. Le général anglais Hill, quant à lui, arrive le 25 vers 12 heures avec des troupes portugaises au sud d'Orthez, vers les hauteurs de Magret et Départ. A 2 heures de l'après-midi, des bataillons portugais descendent vers la ville pour disputer aux voltigeurs de la division Vilatte le vieux pont que les Français n'ont pu faire sauter. Ainsi les divisions Stewart, Clinton et Le Cor, plus deux régiments de cavalerie (13ème et 14ème dragons) et une troupe d'artillerie à cheval sont sur la rive gauche du gave au lieu dit de "Départ-Magret" et "Montalibet". A cet instant, Wellington et son quartier général sont avec ces troupes.
Soult écrit alors au ministre de la guerre "Il est très probable que demain il y aura un combat, les deux armées sont trop près pour que de part et d'autre on puisse l'éviter. Je ferai en sorte qu'il soit glorieux aux armes de l'Empereur. Si je suis dans le cas de me retirer, j'opèrerai mon mouvement sur Sault-de-Navailles". Préparation de l'armée française Le Maréchal Soult concentre alors ses troupes dans une position défensive située sur les hauteurs à l'ouest d'Orthez. Le front de 8km propose un demi-cercle concave partant d'Orthez, ou plus précisément depuis le gave, jusqu'au village de Saint-Boès ("la droite était sur le plateau de Saint-Boës, le centre sur l'arête de Berge et le plateau de Lafaurie, et la gauche sur la côte de Saint-Bernard"). Il espérai par ce regroupement de force intimider les alliées : "Sans être décider à donner ou recevoir la bataille, il espérait que le présence de ses troupes réunies en imposerait aux Anglais" (Mémoires du général Foy ) .
Durant cette journée du 26, les troupes françaises ont vidé dans un grand désordre les convois et les dépôts de vivre stationnés à Orthez. Un état d'ivresse général était alors perceptible (Rapport de l'Agent supérieur aux vivres ).
Le 26 février au soir, la position de l'armée française forte d'à peu près 36 000 hommes est la suivante. Le Duc de Dalmatie porte vers 6 heures son aile droite entre Saint-Boès et le centre de sa position. Cette position peut s'expliquer par le fait que le général Reille mentionne dans son rapport avoir aperçu dans la soirée du 26 des troupes ennemies au nord de la route de Dax, vers les crêtes de Saint-Giron (peut-être le détachement de Beresford vers Habas ?). Cette aile est positionnée au coude de la route de Dax (où elle repart vers le Nord) entre les hauteurs de la cote 177 (1) (Boustou), de la ferme "Bergé", de "Luc", de la cote 175 et du village de Saint-Boès. Dans ce village, les troupes françaises sont postées autour de l'église, de part et d'autre du profond ravin du ruisseau de Montarrede à proximité de la ferme de "Mousquès". Cette aile est commandée par le général Reille. Elle dispose de la 4ème division du général Taupin (environ 5 800 hommes) à l'extrême droite au débouché de la crête de Saint-Boès, vers les fermes "Brasquet", "Bidaloup", "Saubetat", "Barbau" et "Loustau". Taupin a également à sa disposition 12 pièces d'artillerie face au front anglais. Cette division est suivi de la 5ème division du général Rouget (environ 5 000 hommes), à gauche, sur le plateau en deçà, en face du lieu-dit du "camp romain", sur la route de Dax entre "Bergé", la cote 177 et "Micoulaou", la cote 175 et "Plassotte". Rouget dispose 16 canons vers "Luc" afin de protéger le débouché du chemin de "Loustau". La 9ème division du général Paris (environ 2 000 hommes) forme la réserve de cette aile en arrière de Plassotte. Cette position est tactiquement bien choisie car elle est entourée de bas fonds fangeux.
Le centre de l'armée des Pyrénées, sous les ordres du général Drouet d'Erlon, suit la gauche de la division Rouget à un kilomètre environ. La 2ème division du général Darmagnac (environ 6 200 hommes) est en réserve à gauche de la division Rouget sur les hauteurs de "Lagnerot", "Laclotte", "Bergé" (l'autre), la cote 173, "Lafaurie", "Boustou", en-avant de la route de Dax. Elle appuie sa gauche sur la route Sallespisse où le Lieutenant-Général Drouet d'Erlon a placé 2 batteries d'artillerie ("Laclotte"). La 1ère division du général Foy (environ 4 800 hommes) occupe la route de Bayonne avec à sa droite la division Darmagnac et à gauche le gave de Pau (ou plus précisement Castetarbe). Le 27 au matin, les troupes de Foy effectuent un changement de front (avec celles de Darmagnac) et se retirent vers le contrefort du lieu-dit du "Point du jour" (ou contrefort de "Castetarbe") ayant en équerre les troupes de la division Darmagnac et en ne laissant qu'un faible détachement aux abords de la route de Bayonne. Les troupes de Foy sont dès lors situées sur l'épaulement qui, par "Escauriet", la "Soureilhe" et le "chemin du Bois", descend vers le sud-ouest jusqu'à la route de Bayonne qu'il rencontre entre les fermes de "Lescoubes" et de "Point du Jour" et se prolonge jusqu'au gave par "Anglade". Le gros de la brigade Fririon est remonté vers la cote 119 avec la brigade Berlier à sa gauche vers l'ancien couvent des Bernardines. -
Position défensive du centre français sur le
route Orthez-Dax -
L'aile gauche, commandée par le général Clausel est formée de la 8ème division (environ 8 000 hommes - la plupart des conscrits de la levée de 1813) du général Harispe et de la 6ème division du général Villatte (environ 4 900 hommes). Avant les dernières dispositions du Maréchal Soult, Harispe avec le brigade de cavalerie de Vial se trouvaient dans Orthez et autour de la ville et la division Vilatte était, quant à elle, à la hauteur 140 au dessus de Souars. Suite aux derniers ordres du général en chef français, la division Harispe doit dorénavant protéger la ville d'Orthez (avec 2 bataillons) et empêcher le passage du gave de Pau en amont vers Souars (avec 2 bataillons du 115ème de ligne). Le reste des troupes (5 bataillons) est positionné de la tour Moncade au couvent des Trinitaires afin de pouvoir apporter leur soutien aux positions du vieux pont ou vers Souars et surveiller le débouché de la route vers Sallespisse. Les troupes de Villatte, quant à elles, se placent pendant la nuit, au hameau de "Rontun" (commune de Sallespisse) entre les routes de Salespisse et de Saint-Boès aux cotes 176, 178, 172 afin de soutenir la division Harispe ou les positions de Saint-Boès et surtout surveiller la route de Mont-de-Marsan prévue pour la retraite.
Au niveau de la cavalerie française, le 21ème Chasseurs à cheval est en arrière de l'aile droite de Reille, avec un détachement auprès du général Harispe, et le 15ème Chasseurs à cheval est avec les troupes de Drouet d'Erlon. Les 2ème Hussards et 13ème Chasseurs de la cavalerie impériale et les deux bataillons du 25ème d'infanterie légère(2) sous les ordres du général Berton furent chargés de garder le gave d'Orthez à Lescar (banlieue de Pau), aidés dans cette tâche par 2 pièces d'artillerie. Le 22ème Chasseurs est envoyé à Pau pour défendre la ville et notamment pour surveiller les routes de Monein et d'Oloron vers Laroing et Gan. Le reste de la cavalerie de Pierre Soult (5ème et 10ème Chasseurs) est placée vers Sallepisse et près du pont de Sault-de-Navailles.
La réserve d'artillerie et les équipages sont
amenés à Sault-de-Navailles
(11km), le parc d'Artillerie à Aire-sur-Adour
(60 km), l'administration à Saint
Sever (38 km) et
l'ambulance au château de Salles à Sallespisse
(6km).
Les positions de l'armée du Maréchal Soult sont essentiellement défensives. Cette disposition en échelon illustre les intentions du commandant français. Le général Lamiraux (historien militaire) reste septique sur ces positions "Et, après avoir vu Orthez, nous nous demandons si, réellement, le maréchal y livra de son plein gré, avec préméditation, une bataille essentiellement défensive…. La topographie d'Orthez n'a aucun caractère défensif accusé". Le pivot de l'armée française semble être l'aile droite fortement défendue. Chateau de Salles à Sallespisse (carte postale de JP Lapouble) Les alliés se mettent en position Le dimanche 27 février, après une nuit froide, le jour commence à percer sous un soleil radieux. Wellington de très bonne heure, va reconnaître les positions de l'ennemi. Il ne pensait vraisemblablement pas livrer une bataille ce jour-là comme en atteste sa correspondance du 25 et 26 février avec le général Hope à Bayonne : "Nous serons ce soir sur le Gave de Pau : au dire de tout le monde, nous n'aurons aucune difficulté à le traverser" (lettre du 25 février) ou l'ordre donné par G. Murray à Sir Rowland Hill le 26 février. Ses sources d'information avaient sans doute été leurrées par le mouvement des troupes de la division de Villatte et par le repli de la cavalerie française. Mais les troupes françaises attendent leur adversaire de pied ferme et ce n'est pas le moment de tergiverser en montrant la faiblesse de la position dans laquelle son armée se trouve disséminée de chaque côté du gave de Pau. Il faut prendre un parti rapidement. Comme depuis le début de cette campagne, le parti de l'attaque et de l'audace "calculée" prend le dessus ... et s'avérera payant. Les forces anglaises, composées selon l'historien anglais Oman d'environ 38 000 baïonnettes, 3 800 sabres, 54 canons et 1 700 artilleurs et troupes du génie (soit environ 7 000 hommes de plus que les troupes du Maréchal Soult), sont alors disposées comme suit. La 2ème division Stewart (environ 7 800 hommes), la division portugaise Le Cor (environ 4 500 hommes) et les 13ème et 14ème dragons de la brigade Fane, sous les ordres du général Hill, sont sur les hauteurs du faubourg de "Départ" en face la ville d'Orthez et séparées par le gave de Pau.
- Situation du corps anglais de Rowland Hill face à l'aile gauche française - Le gros de l'armée est sur la route de Peyrehorade à Orthez, près du village de Baigts. Ces troupes sont composées de la brigade de Hussards de Somerset avec des éléments de l'artillerie à cheval, de la 3ème division du général Picton avec son artillerie (environ 6 600 hommes), de la 4ème division du général Cole (environ 6000 hommes) avec son artillerie, de la 7ème division du général Walker sans son artillerie (environ 5 600 hommes), de la brigade de cavalerie du colonel Vivian, et de la batterie de la division Stewart. La 6ème division du général Clinton avec une batterie (environ 5 600 hommes) arrivant du lieu dit de "Magret-Départ" où est positionné Hill et la division légère du général Alten (3 500 hommes) avec son l'artillerie à cheval vont rejoindre le théâtre des opérations un peu plus tard au début de la matinée.
Le plan initial de Wellington est de contourner l'aile droite française afin de couper la retraite de l'Armée de Pyrénées et de l'enfermer dans Orthez, tactique mainte fois employée par les troupes françaises; "le secret le plus important de la guerre consiste à ce rendre maître des communications", "N'attaquez pas de front des positions que vous pouvait obtenir en les tournant" (Napoléon). Le mouvement préparatoire des troupes alliées commence alors très tôt. La division de Clinton, devant rejoindre Picton, et la Division Légère d'Alten et son artillerie, devant se placer en réserve du corps de Beresford, s'avancent depuis l'aurore vers le pont de bateaux établi à Bérenx par le génie anglais.
Le général Hill,
quant
à lui, reçoit des ordres afin d'occuper
Harispe,
notamment vers le pont d'Orthez avec une brigade de
la division Le Cor, pour éviter que ce dernier
ne tombe sur la division de Picton. Dans un second temps, il est
demandé aux troupes de Hill de
passer le gave de Pau dès que possible.
Notes
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